segunda-feira, 18 de maio de 2015


FELDENKRAIS



Un homme, une méthode "révolutionnaire": Feldenkrais





Articles de Françoise Figuière

Un homme, une méthode "révolutionnaire": Feldenkrais
Article de Françoise Figuière, kinésithérapeute-formatrice
paru dans FMT magazine.

A voir aussi : Réveiller notre capacité d'apprentissage ou Article dans "Kinésithérapie scientifique"
La méthode Feldenkrais, est basée sur notre capacité à faire de nouvelles connections à tout âge et quelle que soit notre condition physique. Elle offre au kinésithérapeute la possibilité d'aborder tout traitement d'une façon globale et créative. Cette approche « révolutionnaire » ne s’appuie pas uniquement sur le fameux « cause à effet » mais sur la théorie des systèmes.

Dès lors la rééducation devient interactive et ouvre le champ des possibles.
« L’impossible devient possible, le possible devient facile, le facile devient agréable, l’agréable devient élégant ».

En dehors du cadre médical, la méthode Feldenkrais est très utilisée chez les danseurs, les musiciens, les sportifs, dans le domaine de la prévention et de l'ergonomie.
Le concept Feldenkrais est basé sur des principes scientifiques de neuro-physiologie et de lois biomécaniques. L’objectif étant d’acquérir une mobilité fluide, efficace, avec un minimum d’effort et surtout de l’ intégrer pour une utilisation spontanée.

L'originalité de la méthode Feldenkrais réside dans les moyens utilisés pour arriver à ce résultat en faisant appel à notre plasticité neuronale, en utilisant des circuits neuro-moteurs inhabituels, et une prise de conscience de soi dans l’action. La méthode ne fait pas appel directement à notre souplesse articulaire et à notre force musculaire d’une façon répétitive et mécanique, mais à notre capacité d’ apprendre et de sentir.

La méthode Feldenkrais du nom de son fondateur est née d’une recherche personnelle. A la suite d’un traumatisme grave au genou lors d’un match de football, les chirurgiens de l’époque ne lui garantissant pas une bonne récupération fonctionnelle, il décide de ne pas se faire opérer et fait le pari de récupérer le fonctionnement de son genou.

Pari fou, pour certains, mais pas pour lui compte tenu de ses connaissances de physicien et de judoka. C’est le déclenchement d’une recherche approfondie sur les rapports entre le mouvement et le cerveau.

En sa qualité de physicien, il transpose les lois de la physique au fonctionnement du corps humain (force, masse, poids, volume, vitesse...), s’inspirant par ailleurs du développement psychomoteur de l’enfant et de notre capacité d’apprentissage en tant qu’adulte. De sa formation aux arts martiaux on retrouve la conception orientale du mouvement efficace et harmonieux, utilisant l’énergie minimale, la courbe, la spirale et l’approche indirecte.
"On ne peut changer un détail sans réorganiser l'ensemble"


Aller réveiller notre habileté

Feldenkrais se plaisait à répéter : "la clef de toute amélioration n'est pas dans les muscles et articulations mais dans le système nerveux".

Donc, il ne s'agira pas d'étirer, de muscler, de faire des exercices répétitifs en utilisant la force, mais d'aller réveiller notre habileté, notre coordination, nos sensations pour effectuer des gestes plus justes, plus économiques. Le sportif augmente alors son endurance, l'artiste sa performance, le rhumatisant fait reculer le seuil de sa douleur.
Quels sont les paramètres à expérimenter pour améliorer un mouvement ?
Quelques principes de base :
    • Changer l'amplitude et la vitesse
    • Changer la position de départ. N'oublions pas que la position allongée va permettre d'interrompre les schémas musculaires habituels.
    • Ne pas lier le mouvement avec un rythme respiratoire particulier, veiller simplement à ne pas bloquer la respiration.
    • Changer son "focus". Aller porter son attention sur une autre région du corps. Prendre du recul sur la région qu'on est en train de mobiliser.
    • Visualiser le mouvement avant l'action pour éliminer les mouvements parasites.
    • Utiliser un mouvement de dissociation par exemple tourner les yeux à droite lorsque la tête tourne à gauche.
    • Utiliser un mouvement auxiliaire, facilitateur en faisant intervenir une autre région du corps
    • Immobiliser la partie distale et initier le mouvement avec la partie proximale.
    • Alterner les mouvements localisés et globaux. "On ne peut changer un détail sans réorganiser l'ensemble" se plaisait à dire Feldenkrais. 

"La clef de toute amélioration n'est pas dans les muscles et articulations, mais dans le système nerveux"
Une fois que le mouvement sera aisé, fluide, sans douleur, le challenge très particulier à cette méthode sera detrouver les conditions pour que le nouveau schéma soit disponible dans n'importe quelle situation sans passer par la pensée consciente. Nous ne devons pas rester dans l'analyse ou bien encore dans les : "il faut", "il n'y a qu'à".

Les mouvements seront exécutés selon certains critères :
  • en toute sécurité, dans de bonnes conditions de confort
  • sans vouloir atteindre un but à tout prix,
  • sans aucun jugement. Ne pas attendre, le "c'est bien" de l'extérieur, du kiné, mais plutôt éprouver une satisfaction intérieure, de plaisir à se mouvoir avec aisance
  • le schéma de fonctionnement sera exécuté d’abord sur un seul coté pour accentuer la prise de conscience.
  • savoir reproduire ces mouvements, cette nouvelle fonction dans des positions variées, assis, debout, à 4 pattes, inhabituelles parfois, à des amplitudes et vitesses différentes.

En pratique : 2 approches

Par les indications verbales

"Ce n'est plus le kiné qui fait, mais le kiné qui ouvre des possibilités"

L
e patient guidé par la voix, le rythme de l'enseignant va augmenter son répertoire de mouvements, va prendre conscience de son fonctionnement, trouver de nouvelles coordinations plus aisées, ses tensions vont diminuer, sa respiration sera plus ample.

Petit à petit, le schéma corporel se précise, la personne va faire des liens entre les différentes parties de son corps, va sentir plus d'unité, va se réapproprier son corps, ses sensations.

Les indications, tout en étant précises, ne sont pas directives. La personne va retrouver plus de confiance dans ses capacités.
Le processus pédagogique étant de faire des propositions et de poser des questions, la personne se prend davantage en charge et participe plus activement à son rétablissement. Ce n'est plus le kiné qui fait, mais le kiné qui ouvre des possibilités.

L'approche avec le toucher
Ce sont soit des mobilisations fines et précises, soit des mobilisations globales. Il n’y a jamais d’étirement segmentaire mais une sensation d’allongement due à la répartition du mouvement sur plusieurs articulations, le plus souvent ce sont des manœuvres de soutien, de poussée, de rapprochement de segments, agissant aussi bien au niveau du squelette, des muscles et des fascias, sans oublier les récepteurs proprioceptifs. La notion de transmission de mouvement est toujours en arrière plan.

Dans ce travail la qualité du toucher est essentielle, la position des mains et des prises de contact sont très spécifiques à la méthode.

"En s’inspirant de la méthode Feldenkrais le kinésithérapeute trouvera là de nouvelles façons de pratiquer plus fonctionnelles, plus rapides, plus performantes, moins répétitives"

D
ans la pratique le kinésithérapeute va aller d’un endroit à l’autre du corps donnant un message et attendant une information. A ce niveau une non-réponse a la même valeur d’information qu’une réponse positive. Et ainsi, par une série d’améliorations, on obtient une transformation progressive qui va être acceptée et intégrée par le patient parce qu’il ne les perçoit pas comme imposées de l’extérieur.
Par exemple, dans le cas d’une rééducation d’épaule, le kiné va d’abord faire la relation "bassin-épaule", avant toute rééducation segmentaire. Il met le patient en décubitus latéral, afin de limiter l’effet de la pesanteur, et après avoir fait le lien avec le bassin et l’omoplate va utiliser un trajet facilitateur : par exemple, en rotation externe de l’épaule adduction et supination de l’avant-bras pour augmenter l’antépulsion.
Autre exemple en neurologie très efficace pour la réhabilitation à la marche et à l’équilibre c’est l’utilisation de la "planchette" Feldenkrais ou "sol artificiel".
En s’inspirant de la méthode Feldenkrais le kinésithérapeute trouvera là de nouvelles façons de pratiquer plus fonctionnelles, plus rapides, plus performantes, moins répétitives. Moyennant quoi son travail devient moins routinier, moins fatigant et plus gratifiant.
La méthode pédagogique étant basée sur le questionnement le patient devient plus autonome et plus responsable de sa guérison. 

Etude de cas

J'accueille Paul (40 ans environ) atteint d'une hémiplégie gauche. A la marche, il a un léger steppage. Son membre supérieur gauche est ballant et n'est pas dans sa conscience. Son regard est vif. La séance se déroule lors d'un stage de formation en présence d'un petit groupe de stagiaires.
Je le fais s'allonger dans ses vêtements de ville sur le côté gauche, confortablement, la tête alignée sur ma table Feldenkrais extrêmement sécurisante parce que large et basse.
A l'aide de petits mouvements d'ouverture-fermeture du côté droit (cage thoracique-bassin) je cherche à faire le lien entre le haut et le bas du corps.
Quand le mouvement devient fluide et que sa respiration est aisée, je fais le lien avec la colonne vertébrale jusqu'aux cervicales avec une poussée sous les ischions pour renforcer le tonus vertébral, puis par une poussée au niveau du trapèze.
Le lien bassin-tête établi, je commence alors à travailler au niveau des ceintures et des membres par des coordinations globales avec des schémas facilitateurs (le bassin tourné légèrement vers l'arrière, j'induis un mouvement de flexion rotation externe de la hanche et quand le bassin roule vers l'avant, de rotation interne et extension). Ce schéma facilite le mouvement de propulsion dans la marche.
Quant au membre supérieur, j'organise alors cette gestuelle en corrélation avec la mobilité du bassin. Ces schémas seront reproduits avec la participation active de Paul pour renforcer ce schéma (nous sommes toujours sur le côté non paralysé).
J'invite Paul à s'allonger sur le côté droit. Ces schémas de fonctionnement étant bien présents sont plus facilement reproductibles sur le côté paralysé.
Je fais revenir Paul sur le dos, glisse des rouleaux durs sous les genoux et chevilles dans le but d'utiliser la "planchette" ou le "sol artificiel" sous la plante des pieds.
Par des petites pressions sur l'avant du pied, le bord interne et externe, le long des arches, j'établis une connexion entre l'appui du pied, la hanche et les cervicales. Pour terminer par une pression très localisée à l'aplomb des malléoles.
Paul se lève et pour la première fois, selon ses propres termes, sa jambe lui parait "plus présente, plus vivante". Je remarque que sa démarche est plus assurée, cependant son bras est toujours ballant. Je lui demande alors d'accentuer cette immobilité du bras en gardant sa main plaquée contre sa cuisse et d'effectuer ainsi différentes marches. Je renforce cette directive à plusieurs reprises. A la fin de la séance, à la surprise de toute l'équipe présente, le bras gauche de Paul suit le mouvement de la marche, sans que ce soit volontaire. D'autres séances seront nécessaires pour renforcer ce circuit.
Je voudrais maintenant vous donner le témoignage de Joël, 40 ans, atteint de polynévrite depuis 6 ans environ.
Il est arrivé à mon cabinet en marchant avec deux cannes anglaises. Non, il n' est pas reparti sans ses cannes, mais dés la première séance, j'ai pu redonner un peu de mobilité à son bassin, détendre ses muscles du dos, et lui montrer qu' il pouvait mobiliser son corps sans faire autant d'efforts.
A la deuxième séance, sa démarche est toujours saccadée, il doit regarder ses pieds constamment, sa respiration est courte, ses gestes sont brusques.
Après une quinzaine de séances, il s'assoit sans se laisser tomber et se lève avec élégance, et chose extraordinaire à laquelle je ne m'attendais pas, il marche actuellement sans regarder ses pieds. Sous mes mains, je sens que les connexions restent d'une séance à l'autre et ceci même après une interruption de plusieurs semaines.
Voici ses propres termes: "J'ai appris à ne pas faire souffrir mon corps, je ne suis pas obligé de faire des efforts, je me sens plus ouvert dans la cage thoracique, je me tiens plus droit. j'ai une meilleure endurance, plus de confiance. Maintenant, lorsque je fais tomber quelque chose dans la rue je peux me baisser pour le ramasser. Avant je marchais parce que je devais marcher maintenant j'ai du plaisir à marcher."

La méthode Feldenkrais



Prise de conscience par le mouvement
Intégration fonctionnelle
La méthode Feldenkrais, s'adresse à l'homme neurologique plutôt qu'à l'homme mécanique. Pendant près de quarante ans, Moshé Feldenkrais a orienté ses recherches sur le mouvement interrogeant plutôt le cerveau et son fonctionnement que les muscles, simples exécutants.

M . Feldenkrais (1904-1984) était docteur en physique, diplômé de la Sorbonne. Il a travaillé dans le laboratoire de Frédéric Joliot-Curie et de Paul Langevin. On retrouvera dans sa méthode la rigueur du scientifique qu' il était, son esprit d'observation, son goût de l'expérimentation.

C einture noire de judo, il fut l'un des premiers à introduire le judo en France dans les années 30, et on retrouvera dans sa méthode certains principes d' arts martiaux. Par exemple, pour Feldenkrais, la définition d'une bonne attitude sera basée sur un concept dynamique : l'attitude dans laquelle l'individu pourra se déplacer le plus rapidement possible sans mouvements préliminaires et dans n'importe quelle direction.

E n permanence, on recherchera l'efficacité du mouvement avec le minimum de force ;
" Si vous forcez, c'est que vous ne savez pas vous y prendre ".

M . Feldenkrais a beaucoup étudié le développement psychomoteur de l'enfant et notre adaptabilité au changement en tant qu'adulte. Il s'est inspiré des travaux de Piajet sur l'apprentissage.

A travers des mouvements simples, précis mais inhabituels ou bien globaux comme des rampers, des torsions, l'individu, petit à petit, prendra conscience de lui-même et découvrira des possibilités insoupçonnées. 

R évolutionnaire en son temps, la pensée de M. Feldenkrais est maintenant en phase avec la vision scientifique du monde, à savoir la physique quantique et la théorie des systèmes. A l'heure actuelle, la méthode Feldenkrais prend une expansion considérable à travers le monde entier...


L' APPRENTISSAGE

E
n termes biologiques l'homme est, par sa structure, l'animal le plus évolué. Toutefois, en conséquence de la complexité du système nerveux et des possibilités spécifiquement humaines qui en résultent, son comportement instinctif est remplacé pour la plus grande part par un comportement acquis. En fait, la capacité humaine d'apprendre est une des caractéristiques les plus distinctives par rapport à l'animal. Seuls les comportements les plus élémentaires et indispensables à la survie (exemple : la respiration et l'absorption de la nourriture) sont présents à la naissance.

Toutes les autres fonctions humaines sont acquises progressivement. Se tenir debout, marcher, parler, écrire, le comportement social (incluant la vie sexuelle), la façon de sentir et de penser ne sont pas innés mais sont la conséquence de cet apprentissage qui constitue la base des réalisations individuelles et communes de l'espèce humaine.

P ar contre, même chez les simiens et autres animaux supérieurs, la capacité d'apprentissage est très limitée. Leur conduite est déterminée largement par l'instinct et l'empreinte qui dirigent leurs comportements individuels et sociaux. Cette spécialisation du comportement se reflète par exemple dans la période relativement courte de maturation sexuelle, atteinte à l'âge adulte.

L 'homme est une espèce non spécialisée. Il est intéressant de noter que son évolution anatomique et ethnologique se poursuit dans le sens d'une diminution progressive des spécialisations acquises au cours de sa phylogenèse.L'évolution tend alors vers une régression des comportements instinctifs et tend à donner davantage d'importance à l'apprentissage humain.

L'apprentissage organique
Le développement de l'enfant avance dans la mesure où les structures du cerveau deviennent de plus en plus matures. Et vice-versa, la maturation fonctionnelle du cerveau dépend du type, du nombre et de l'exposition appropriée aux stimuli endogènes et de l'environnement.

L es sensations, les sentiments, les facteurs spatio-temporels, parentaux, sociaux et culturels engrammés créent l'empreinte des trajectoires à l'intérieur du système nerveux et déterminent son futur degré de fonctionnement. En même temps, l'apprentissage se déroule en étapes au cours de desquelles l'ordre ne peut être changé et l'omission d'une d'entre elles entrave la maturation dans toutes les étapes suivantes.

L 'apprentissage de la marche, par exemple, est précédé d'une phase longue de mouvements hasardeux qui semblent n'avoir rien en commun avec la marche proprement dite. Mais l'exploration joyeuse, toutes les configurations de mouvement par rapport à l'équilibre ou à la coordination mènent au degré d'organisation corporelle cruciale pour un apprentissage normal de la marche.

S i, par ambition, les parents poussent l'enfant à marcher trop tôt, c'est à dire avant qu'il en ait vraiment envie, il ne lui restera pas assez de temps pour former un répertoire de mouvements suffisant et il est exposé au risque de connaître des difficultés de marcher pendant toute sa vie.

L'enfant apprend essentiellement en jouant, par plaisir et sans finalité apparente. Les caractéristiques de cet apprentissage organique sont les suivants : il est individuel, se déroule sans professeur qui exige des résultats, il se poursuit lentement sans jugement ni censure et il est guidé uniquement par le sentiment de satisfaction qu'il procure.

E tant donné la complexité du système nerveux, et dans sa structure et dans son fonctionnement, un tel apprentissage ne se fait évidemment pas sans fautes, échecs et imperfections. Il s'agit d'une exploration ludique.

L'apprentissage orienté
Sous l'influence des parents, suivie plus tard, par l'école et la société, l'apprentissage organique de l'enfant va être remplacé par un apprentissage qui s'oriente vers des buts définis par l'entourage social et dont l'accomplissement est exigé dans un délai fixe. Ce mode de transmission de savoir est certainement une grande acquisition de notre culture sans laquelle le progrès technique, par exemple, ne serait pas imaginable.

D ans le domaine de l'évolution de la personnalité cependant, son application différenciée peut être fatale. Conditionné de cette manière, le sujet est amené à croire qu'il suffit d'utiliser sa volonté pour pouvoir fonctionner correctement et que les essais répétés garantissent le meilleur succès.

E n réalité, l'exercice répété pour atteindre un but mène avant tout à la routine, et les fautes commises deviennent une habitude aveugle. Avec l'accomplissement du but fixé, la motivation d'apprendre s'éteint. Ainsi notre capacité d'apprentissage est restreinte à un minimum, aussi bien quantitativement que qualitativement.

U ne caractéristique de chaque apprentissage est de transmettre ce qu'on a appris d'un domaine à un autre. De la même façon, un schéma de comportement émotionnel intériorisé se transmet aux autres aspects de la personnalité du sujet et se manifeste par exemple dans la manière de s'émouvoir et de penser.

L'apprentissage organique est créatif tandis que l'apprentissage orienté mène à des fixations involontaires et crée un terrain favorable à de nombreuses dysfonctions motrices et psychiques. Il ne contribue pas au développement libre de la personnalité individuelle mais se dirige vers l'adaptation et l'uniformité sociale.

L es modèles de comportement humain sont donc élaborés par un processus d'apprentissage. Ils dépendent cependant de la qualité de cet apprentissage. En même temps, ils sont accessibles à un réapprentissage ou à une rééducation.


LA FONCTION DU SYSTEME NERVEUX 
Communication et coordination
De nombreuses découvertes neurophysiologiques des dernières années renforcent le point de vue holistique que nous adoptons dans la méthode Feldenkrais. Ainsi, la théorie des systèmes (qui s'intéresse non pas aux éléments d'un système mais à leurs interactions) nous ouvre des perspectives prometteuses en ce qui concerne nos connaissances du fonctionnement cérébral et de l'organisme entier.

Du point de vue anatomique, les parties phylogénétiquement plus récentes sont placées au-dessus des parties plus anciennes. Mais on abandonne de plus en plus le concept de la domination du néo-cortex sur les structures cérébrales anciennes. Des fonctions, telles que l'apprentissage et la mémoire sont localisées principalement dans le néo-cortex. Cependant, elles seraient inopérantes sans la participation des parties plus anciennes comme la formation réticulée (contrôle de la vigilance) ou le système limbique (motivation, renforcement). 


Le cerveau est donc plutôt un système de structures interactives dans lequel les différentes parties peuvent assumer un rôle dominant, selon les besoins d'une situation donnée. Par exemple, en cas de chute inattendue, le néocortex se déconnecte en laissant agir les centres réflexes, plus rapides. De la même façon, l'opinion selon laquelle le cerveau serait le maître du corps (à laquelle correspond la séparation artificielle de soma et psyché) n'est guère plus d'actualité. 


En tant qu'organe, le cerveau dépend également du métabolisme et de l'homéostasie. Il se met au service du corps pour lui servir de centre de communication entre ses différentes parties et de relais avec l'environnement. La fonction du système nerveux est donc en première ligne la création de liaisons, ainsi que la coordination et l'interprétation de l'information. 


Dans cette optique de communication, ou traçage des voies, le câblage fonctionnel des diverses structures cérébrales est tel qu'on ne peut guère isoler une fonction particulière. C'est ce que nous allons démontrer grâce à l'exemple de schéma corporel. 

Le schéma corporel
L'organisation somatotopique du cortex moteur et somesthésique est bien connue. Les informations reçues et émises sont intégrées dans les vastes aires d'association du cortex. Pour reprendre les termes de C. Menini, c'est cette inspiration qui concourt à l'élaboration du moi et de laquelle dépendent les activités propres de la personnalité. Les schémas moteurs et émotionnels sont établis en référence à ce schéma corporel et déterminent les traits de caractère de l'individu.

De même, les informations sensorielles sont confrontées au schéma corporel de l'individu qui élabore à partir de cela sa propre représentation du monde. Ainsi, le contact et l'interaction ne viennent pas s'ajouter à la personnalité mais constituent l'essence même de la structure et de son fonctionnement. Il est donc évident que la formation du schéma corporel et son influence sur le développement de la personnalité entière ne peut s'expliquer que par l'action commune de toutes les structures cérébrales. 


Le système nerveux n'est pas capable d'exécuter en même temps une action et son contraire. Le système entier atteint donc à chaque instant une intégration globale qui trouve son expression dans le corps. La posture, les sensations, les sentiments, la pensée ainsi que les processus chimiques constituent un ensemble et ne peuvent qu'agir en tant qu'entité intégrée. Dans son rôle d'organe de communication, le cerveau, en organisant le chaos des informations aussi bien du corps que de l'extérieur, rend possible l'orientation, la conscience et la perception de soi et de l'autre. 


Cette faculté de reconnaître un ordre est la condition sine qua non de chaque apprentissage. Tous les aspects de soi qui ne sont pas développés de façon ordonnée restent flous et interfèrent inconsciemment avec les parties matures de notre personnalité. 


La capacité du cerveau de reconnaître un schéma d'organisation est sollicitée dans la méthode Feldenkrais lorsqu'on propose à l'élève des mouvements qui sont différents et plus structurés que ceux de son propre répertoire de mouvements habituels.
 De cette manière, on réussit à mettre en route un processus de prise de conscience qui mène à une image corporelle plus différenciée.

Il est possible de mettre indirectement en évidence le fait que les améliorations de posture ou des mouvements sont une conséquence de la meilleure organisation fonctionnelle au niveau cérébral ; en travaillant sur un seul côté du corps, on observe une amélioration des résultats sensori-moteurs sur ce côté seulement. 


Le travail avec un seul côté produit souvent un changement significatif dans tout le côté homolatéral du corps. Très souvent, la seule exécution imaginaire des mouvements du côté contrelatéral produit le même résultat. 

L'image de soi et l'habitude
L'image que nous nous faisons de nous même n'est ni héréditaire ni innée mais résulte d'un apprentissage prolongé au cours duquel toutes les facettes de notre personnalité sont développées d'une manière plus ou moins complète. L'image corporelle, les émotions et la pensée constituent un ensemble inséparable.

Les différentes parties se forment, s'influent mutuellement et agissent à chaque instant et dans chaque situation comme un tout. Le processus de maturation est long et complexe. A chaque étape, des perturbations peuvent se produire, entraînant des développements incomplets. Ils font partie intégrale de notre image et de nous même. 


Ainsi, une posture ou un schéma de réactions émotionnelles définies sont ressentis comme appartenant notre propre personne. L'habitude les refoule de la conscience mais en même temps de tels schémas conditionnent notre comportement et interviennent dans toutes nos actions volontaires. Ils peuvent diminuer largement notre bien-être et mènent à des dysfonctions auxquelles nous sommes souvent confrontés sous la forme de maladies ou douleurs fonctionnelles. 


Peu de personnes possèdent une image de soi complète. Le plus souvent cette image est caractérisée par son imperfection. La formation d'habitudes et le remplacement de l'apprentissage organique par un apprentissage orienté sont des facteurs importants de cette stagnation. 


Les buts vers lesquels nous nous orientons sont définis socialement. Pour le fonctionnement social, une conscience de soi médiocre et une maturation fonctionnelle limitée suffisent. Ces limitations sont cependant ressenties comme normales (et à ce moment là, il n'y a guère plus de motivation pour favoriser le changement). 


Une bonne partie de notre propre conduite reste ainsi inconsciente et empêche la croissance personnelle. 


Une question s'impose : 
est-il possible d'amener des changements permettant l'acquisition de comportements nouveaux ? Des comportements résultant de choix et qui soient aussi propres à la personne que ceux qu'elle a acquis sans s'en rendre compte au cours de sa vie ?

Cela n'est possible que par une méthode qui n'impose aucun système à l'élève mais qui lui permet de découvrir lui-même tout en bénéficiant d'un guide. 


Nous agissons, nous sentons et pensons selon l'image que nous avons de nous même.
 La prise de conscience déclenche un processus d'apprentissage qui changera donc la dynamique même de l'utilisation de soi. Ce changement résulte entièrement du développement d'un potentiel individuel.
Le mouvement
Comme nous l'avons démontré, l'image de soi se constitue par l'interaction permanente des mouvements, des sensations, des sentiments de la pensée. En fait, on ne peut guère s'imaginer une action dans laquelle l'ensemble de ces quatre aspects n'interviendrait pas.

De cette façon, une personne anxieuse par exemple, tendra souvent à tirer ses épaules vers l'avant, à raccourcir le cou et à immobiliser ses bras le long du corps. En général, elle aura un tonus élevé des muscles fléchisseurs accentués par des situations de timidité, peur, etc. 


Ce schéma musculaire influencera ce type et ce spectre de tous ces mouvements. En même temps, ses sensations et sa pensée seront filtrées et colorées par le conditionnement physique. Si vous vous mettez en position physique de timidité, de colère, d'arrogance, etc., vous allez facilement sentir qu'avec chaque attitude des émotions correspondantes surgissent et que votre posture interfère avec vos mouvements intentionnels. Vous constaterez aussi que chaque état choisi dirigera votre pensée dans certaines directions différentes. 


Il est donc difficile d'influencer un seul paramètre de la personnalité sans provoquer des changements correspondants dans toutes les autres parties. 


De tous ces paramètres, 
le mouvement est le plus accessible à l'observation et au travail pratique (il est plus aisé d'observer ce qui se passe dans son corps que d'analyser le cheminement psychique ou mental). Le mouvement est un indice excellent du fonctionnement de notre système nerveux et de son niveau de développement.

Le degré de différenciation des schémas de mouvement nous livre également des informations sur le développement des autres aspects de notre être, ainsi que, d'une manière indirecte, sur la structure globale de la personnalité.

L'usage du mouvement et les conditions de travail

L
 es moyens primaires de l'enfant d'interagir avec son monde extérieur et intérieur sont sensorimoteurs. Ils sont à la base du processus de l'apprentissage chez l'homme qui mène à la construction de son image de soi et du monde. Ces moyens sensori-moteurs nous mettent en contact avec notre propre corps d'une façon immédiate et primaire.

E
 n choisissant le mouvement comme moyen de travail, nous nous référons à ce niveau ancien d'interaction, qui est lié à notre expérience infantile de l'apprentissage organique et créatif. L'exécution d'un mouvement ne constitue donc jamais un but en lui-même, le mouvement est que le moyen d'atteindre une plus grande conscience de soi.

L
 a répétition mécanique d'un mouvement, s'il n'est pas accompagné d'une prise de conscience de ce qui se produit par ce mouvement et de ce qu'on ressent pendant l'action, et si on ne tient pas compte de l'ensemble de l'image et de ses répercussions sur l'entité, ne sera qu'un travail, un entraînement physique qui ne constitue rien au développement.

L
 e transfert de l'apprentissage est essentiellement personnel et diffère d'un individu à l'autre. L'un constatera des effets sur sa voix, l'autre sur sa façon de voir, d'observer, un troisième sur la façon de répartir le poids de son corps sur ses pieds, un quatrième sur la façon de nager, de marcher ou de skier, un cinquième sur sa relation avec ses proches, ou sur sa respiration.

L
 'enseignant essaie d'offrir des conditions idéales pour le processus d'apprentissage envisagé. Partant de mouvements très simples jusqu'à des mouvements très complexes, l'élève est mené à travers toutes les étapes du développement moteur de l'enfant. Il n'y a pas de buts à atteindre, l'apprentissage est organique, c'est à dire motivé par l'envie et la curiosité individuelle. L'élève ne sera pas jugé sur ses résultats, et il n'y aura ni modèle à suivre ni démonstration. 

L'élève a donc l'occasion d'aller chercher ses propres ressources pour trouver son chemin. 
Par la voix, ou le toucher, l'enseignant, pendant chaque combinaison de mouvements, dirige l'attention sur différentes parties du corps. Etant mis ainsi à l'écoute de ses sensations, et de ses sentiments, l'élève réussit à intégrer chaque fois plus de parties de son corps dans le mouvement (jusqu'à ce que, dans le cas idéal, le soi entier participe avec efficacité maximale à l'action désirée).

D
 es situations inhabituelles obligent à une orientation nouvelle, car même les schémas fixes du comportement sont vécus d'une façon inattendue. Ils deviennent donc plus facilement reconnaissables, c'est à dire accessibles à un changement. C'est la raison pour laquelle l'élève est confronté avec des centaines de configurations de mouvements variées, originales et hors de son champ familier de mouvement. Ce qu'il ne peut apprendre dans une situation, il le captera dans une autre et ainsi son image de soi et ses possibilités se décupleront.

E
 tant donné que le développement de l'appareil musculo-squelettique ainsi que celui du système nerveux se poursuit sous l'empire de la pesanteur (évidemment ceci est aussi vrai en ce qui concerne nos mauvaises et mouvements inhabituels), on essaie de détourner l'effet de la pesanteur sur le corps. Le travail s'effectue donc, surtout dans un premier temps, en étant allongé ou dans une autre position que la station debout. Les mouvements alterneront entre l'analyse, le jeu, la créativité comme tout véritable processus d'apprentissage. 

P
 rendre conscience veut dire différencier. Par exemple pour se pencher en avant, on peut utiliser d'un bloc sa région lombaire et sa coxo-fémorale en flexion. On peut également faire une flexion de la coxo-fémorale tout en gardant la région lombaire dans sa courbure physiologique. Pour apprendre, on doit être capable de reconnaître des différences.

P
 endant les séances, on augmente pas à pas la sensibilité de l'élève en lui suggérant d'effectuer tous les mouvements avec le minimum d'effort et la plus grande légèreté (moins un mouvement fait appel à l'effort, plus les différences fines peuvent être senties et rendues conscientes). 

L
 es mouvements seront lents et adaptés au rythme de chacun, pour éventuellement devenir rapides une fois que l'apprentissage est terminé. Une respiration et une vitesse régulières donneront alors du plaisir à sentir plus de fluidité et de globalité. Une fois que le mouvement sera réalisé avec facilité et plaisir, il sera transposé dans la vie quotidienne d'une façon spontanée. 
[blockquote]"L'aise et la grâce dans le mouvement sont plus importants que vous ne croyez
Moshé Feldenkrais"[/blockquote]

Tout phénomène douloureux doit être écouté. La répétition d'un mouvement douloureux nous mène à engrammer dans notre système nerveux nos limitations. L'enseignant suggère donc de contourner la douleur, soit par le choix d'un autre chemin, soit en faisant un mouvement uniquement dans l'imagination.

S
 ur un plan plus technique, la plupart du temps on sollicitera davantage les parties proximales d'une articulation plutôt que les parties distales, souvent trop employées dans les gestes de la vie quotidienne.

L
 es critères d'une performance idéale d'un mouvement sont basés sur la légèreté, la fluidité, l'effort minimal avec une efficacité maximale (c'est à dire que le mouvement correspondra exactement à l'intention), l'absence de blocages ou de mouvements parasitaires. Un tel mouvement sera équilibré, c'est à dire réversible dans chaque position parcourue. Il sera élégant, confortable et plaisant.


LES DEUX APPROCHES 
L'intégration fonctionnelle en séance individuelle par le toucher spécifique " Feldenkrais" 
A l'aide du toucher, par des mobilisations soit globales, soit très fines, par des manœuvres de soutien, de poussée, d'allongement, de rapprochement, agissant aussi bien au niveau du squelette, des muscles, des fascias et de la peau.

L'enseignant fera découvrir à la personne de nouvelles fonctions, connexions, coordinations ou simplement positions. Il n'agit pas avec des principes de cause à effet. La même manœuvre pourra être utilisée sur deux personnes différentes à des fins contraires.

On agit plutôt avec des principes de rétroaction en boucle (cybernétique). Dans la pratique, on va aller d'un endroit du corps à un autre, donnant un message et attendant une information. A ce niveau, une non-réponse, a la même valeur d'information qu'une réponse positive.

Et ainsi, par une série d'améliorations, on obtient une transformation progressive qui va être acceptée et intégrée par la personne parce qu'elle ne les perçoit pas comme imposées de l'extérieur. Si on a une épaule douloureuse ou lésée, on n'ira pas directement sur cette région, on agira à distance. Par exemple, on essaiera en général d'améliorer d'abord la relation tête-cou, ainsi que la relation tête-bassin-cage thoracique.
La technique de groupe : par des indications verbales.
Le mouvement n' est pas montré. 

L'enseignant, à partir d'indications verbales va guider la personne et l'inciter par des situations ou positions précises à utiliser des parties d'elle-même rarement sollicitées. Ainsi, son image d'elle-même sera enrichie et son fonctionnement optimisé au fur et à mesure qu'elle prend conscience de ses possibilités inexploitées.

Pour compter de 1 à 10, on peut utiliser plusieurs façons 5+5, 7+3, etc. ; de même pour exécuter un mouvement on a plusieurs chemins à notre disposition. Hélas, dans la pratique, on répète toujours les mêmes mouvements aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychologique, même s'ils ne nous satisfont pas.

La méthode Feldenkrais nous donne l'occasion par la prise de conscience de réapprendre des fonctionnements plus adaptés à nos possibilités, nos intentions et nos désirs. Il s' agit de proposer à l'individu de nouveaux choix, puisqu'il a appris, il est capable de réapprendre. Le système nerveux n'est pas une entité fixe, sa plasticité lui permet de trouver de nouvelles connexions si on se donne la peine d'être un peu curieux, attentif, observateur.

Méthode évolutive, basée sur la fonction, elle fait appel à l'imagination, à l'intelligence, à la sensibilité.

Elle apporte au kinésithérapeute de demain :
  • un autre regard sur sa façon de travailler
  • une meilleure connaissance de la fonction dans sa globalité
  • un meilleur toucher
  • un sens kinesthésique plus développé
  • plus de créativité dans le choix de ses traitements
  • des rapports différents avec ses patients

Le kinésithérapeute ne travaillera plus uniquement sur le symptôme mais sur la personne dans sa globalité ; se rendant mieux compte de ce dont la personne a besoin. Ainsi, il trouvera de nouvelles façons de pratiquer :
  • plus fonctionnelles
  • plus rapides
  • plus performantes
  • moins répétitives
Ce qu'on obtient en Feldenkrais, c'est traduire ses intentions en actions. Feldenkrais fut le premier cybernéticien somatique. Il était très en avance sur son temps et nous n'avons pas fini de tirer les conséquences de ses découvertes.