quarta-feira, 3 de junho de 2015

Pathologie du genou


Les affections du genou sont en augmentation croissante dans la population. Cette augmentation est due aux traumatismes sportifs et à la prévalence croissante d'arthrose du genou liée au vieillissement de la population. La prise en charge multidisciplinaire dans la phase aiguë mais surtout chronique de ces affections paraît primordiale pour en réduire la morbidité. En juin 2001, s'est tenu le symposium «Pathologie du genou», sponsorisé par Pharmacia-Pfizer. Son but était de faire la lumière sur les dernières nouveautés en thérapeutique dans ce domaine et de synthétiser la prise en charge de ces pathologies sous l'angle de la chirurgie orthopédique, de la rhumatologie et de la médecine physique. Il était animé par les professeurs T.L. Vischer (Division de rhumatologie, HUG), J. Garcia (Département de radiologie, HUG), D. Fritschy (Policlinique de chirurgie, HUG), ainsi que les docteurs P.-A. Guerne (Division de rhumatologie, HUG) et J.-L. Ziltener (Clinique romande de réadaptation, Sion).

Sémiologie et traitement chirurgical
(Pr D. Fritschy)

L'accident récent
En Suisse, les sports les plus souvent impliqués dans les pathologies du genou sont le ski et le football.
Une seule question prime : s'agit-il d'une entorse grave ? Concernant les symptômes, les éléments de gravité sont : un craquement lors de l'accident, l'impression de genou flottant, l'apparition rapide d'un épanchement et une limitation lors de l'extension. Cliniquement, la mobilité active d'abord puis passive est testée, les points douloureux sont recherchés (insertions ligamentaires et tendineuses, interligne articulaire, rotule). Puis, il faut tester la stabilité du genou avec le test de Lachman, genou presque en extension (positif si lésion du ligament croisé antérieur). Un effacement de la tubérosité tibiale antérieure en flexion du genou signe une lésion du ligament croisé postérieur. On recherche également une laxité des ligaments latéraux, et une lésion méniscale (déficit d'extension si interposition due à une anse de seau ou une languette, test de Mac Murray, grinding test, etc.).
En cas d'épanchement, celui-ci doit être ponctionné stérilement. La présence d'une hémarthrose signe une effraction osseuse dans 5% des cas surtout en présence de lobules graisseux (fracture chondrale ou ostéochondrale, arrachement ligamentaire), une déchirure ligamentaire dans 80% des cas (presque toujours le ligament croisé antérieur) ou une déchirure méniscale dans 15% (présence de vaisseaux dans sa périphérie). Les lésions combinées sont possibles. L'évolution d'une hémarthrose traumatique non traitée est défavorable dans 80% des cas1 et un épanchement doit donc toujours être investigué.

Diagnostics possibles :
I Entorse bénigne, qui est une contusion ou une distorsion simple sans atteinte ligamentaire ou méniscale.
I Entorse grave avec lésion ligamentaire, et/ou déchirure méniscale, et/ou fracture.
I Fractures : luxation de la rotule avec arrachements de fragments, arrachement ligamentaire (souvent chez l'enfant et l'adulte jeune avec arrachement de l'attache au plateau tibial), torsion-collision épine-condyle, fracture de Segond (avulsion de la capsule avec fragments arrachés sur le condyle externe et sur le tibia). A relever que les fractures chondrales (fragment cartilagineux) ne se voient pas sur les radiographies standards et que l'IRM est alors l'examen de choix.
I Lésions tendineuses (quadriceps, rotulien), lésions vasculaires ou nerveuses lors de luxation surtout, lésions des parties molles, des bourses, etc.
Le bilan complémentaire comprend des radiographies de face, de profil et en axial de la rotule, pour exclure une fracture et préciser le cadre osseux, et éventuellement une IRM. Le traitement chirurgical n'étant pas urgent, il faut d'abord immobiliser le membre inférieur par une attelle, prescrire des cannes et des antalgiques, puis débuter rapidement les exercices de remusculation du quadriceps, la fonte musculaire commençant dès le traumatisme initial.

Le genou chronique post- traumatique
Le potentiel de cicatrisation du ligament croisé antérieur (LCA) est médiocre, et une laxité ligamentaire sur une déchirure ancienne du LCA, avec douleurs, lâchages et blocages, va retentir sur les autres structures du genou, surtout les ménisques puis le cartilage, menant à une arthrose post-traumatique.
Le traitement peut se faire par chirurgie arthroscopique avec résection à minima des lésions méniscales, régularisation des lésions cartilagineuses et chirurgie ligamentaire par greffe autologue avec un autre tendon (rarement : allogreffe). Une plastie de reconstruction est indiquée principalement chez les patients actifs entre 15 et 35 ans, gênés dans leurs activités quotidiennes ou chez les sportifs professionnels. Avant l'âge de 15 ans, il faut attendre que la croissance soit bien avancée pour éviter de léser le cartilage de croissance.
La méniscectomie classique par arthrotomie est arthrogène et aujourd'hui, le ménisque doit être préservé dans la mesure du possible. L'arthroscopie est indiquée uniquement pour une intervention chirurgicale et non pour poser un diagnostic, qui se fait par IRM.
Après méniscectomie, les principaux facteurs arthrogènes sont le volume de ménisque excisé, la qualité du cartilage restant, la présence d'une laxité ligamentaire, le morphotype (surcharge pondérale, défaut d'axes). Les dégâts peuvent être prévenus par une modification des activités, le renforcement musculaire, le port d'une orthèse et une éventuelle reconstruction ligamentaire.

Le genou arthrosique post-traumatique

Les symptômes sont : douleur, tuméfaction, diminution de mobilité et instabilité.

Traitement chirurgical :
I L'arthroscopie permet une toilette articulaire avec excision de tissu méniscal dégénératif, une régularisation des lésions cartilagineuses et éventuellement une résection des ostéophytes.
I L'amélioration est transitoire, de quelques mois à quelques années.
I La correction des défauts d'axe par ostéotomie a pour but de stabiliser l'évolution de l'arthrose avec en moyenne sept ans d'effet bénéfique.
I L'arthroplastie partielle ou totale, qui est un resurfaçage partiel ou complet des zones arthrosiques, est devenue très fréquente avec 265 000 patients qui en ont bénéficié aux Etats-Unis et 6000 en Suisse.

Le point de vue du rhumatologue
(P.-A. Guerne)
Lors d'une monoarthrite, l'épanchement doit toujours être ponctionné (technique de ponction : cf site Internet : www.rheuma-net.ch) pour compter le nombre de cellules (pathologie non inflammatoire si cellules 1,4).
Monoarthrites infectieuses
L'origine de ces arthrites peut être pyogène (diagnostic par la culture), neisserienne (culture souvent négative, diagnostic par frottis et PCR dans les urines), sur maladie de Lyme (culture non sensible, diagnostic par Elisa et Western Blot), à Brucella (diagnostic par sérologie), dans le cadre d'une maladie de Whipple (arthrite à caractère palindromique, avec troubles digestifs et malabsorption, diagnostic par biopsie jéjunale et PCR), à mycobactéries (faire des biopsies si les cultures sont négatives).

Arthrites microcristallines

Goutte
Si l'acide urique sérique est supérieur à 420 mmol/l, le diagnostic de goutte a une sensibilité de 90%, mais une spécificité de 54% seulement. Donc celui-ci se fait par la mise en évidence de cristaux dans le liquide synovial (sensibilité : 84%, spécificité : 99%). De plus, il faut rechercher la présence de tophus et d'érosions sur les radiographies.
Le traitement d'attaque reste classique : AINS, stéroïdes en injection intra-articulaire ou i.m., ou per os 30-50 mg/j pendant sept à dix jours, éventuellement colchicine. Concernant le traitement prophylactique, les indications à l'introduction d'un hypo-uricémiant comme l'allopurinol (avec ajustement de la dose selon la créatinine) sont : plus de trois crises/an, une néphropathie uratique, des tophus, des signes radiologiques. Ils doivent être introduits à distance, c'est-à-dire plus de deux semaines après la dernière crise, sous couvert d'un traitement prophylactique (AINS à petites doses, colchicine 0,5-1 mg/j).

Chondrocalcinose
L'arthrite aiguë à pyrophosphate de calcium est le plus souvent spontanément résolutive. Les radiographies étant peu sensibles et peu spécifiques, le diagnostic se fait également par la mise en évidence de cristaux dans le liquide de ponction. Si nécessaire, le traitement de la crise est le même que celui de la goutte. Il est utile de rechercher une pathologie associée : hémochromatose, hyperparathyroïdie, hypomagnésémie sévère. Il existe aussi une arthropathie chronique qui peut être mono-, oligo- ou polyarticulaire, et qui se traite soit par des AINS, de la colchicine à petites doses, ou des stéroïdes à faibles doses.
Dans le diagnostic différentiel d'une mono-arthrite du genou, il faut aussi évoquer une spondylarthropathie, une arthrite réactionnelle (à streptocoques, à chlamydia, etc.), une hémochromatose. Une polyarthrite rhumatoïde a rarement un début mono-articulaire.

Pathologies non arthritiques
Les plus fréquentes sont l'arthrose, la nécrose aseptique, les fractures lentes, les bursites prépatellaire ou infrapatellaire d'origine microtraumatique, infectieuse ou inflammatoire. Le diagnostic de ces dernières se fait par ponction avec compte cellulaire et culture.

Traitement médicamenteux de l'arthrose
I Le traitement classique comprend les analgésiques non opiacés, les AINS, les injections intra-articulaires de stéroïdes, les opiacés si nécessaire.
I Une viscosupplémentation avec des chondroprotecteurs en injection intra-articulaire (Synvisc®, Osténil®, etc.) montre une efficacité supérieure au placebo sur les douleurs (à 6 mois : 50% des patients sont satisfaits) et comparable aux AINS sans les effets secondaires. La réponse est plus favorable dans les stades initiaux de l'arthrose, et moins favorable s'il y a un épanchement. Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'évidence sur l'effet protecteur du cartilage (ralentissement de destruction).
I L'effet du sulfate de chondroïtine (Condrosulf®, Structum®) est principalement antalgique.
I La glucosamine, non vendue en Suisse, aurait des résultats positifs selon une étude récente.2 Vu les nombreux biais de ce travail, d'autres études sont nécessaires avant de conclure définitivement à un effet thérapeutique de ce produit.
I La synoviorthèse est utile si l'épanchement est récidivant et répond partiellement aux injections intra-articulaires de stéroïdes.

Examens radiologiques en fonction de la sémiologie
(Pr J. Garcia)
Les critères essentiels d'un bon examen radiologique sont le choix adéquat de la technique, qui doit être la plus sensible et la plus spécifique selon la durée des symptômes, la rigueur dans l'analyse et l'interprétation des images ainsi que la prise en compte de la corrélation radio-clinique.
I Lors de traumatisme, les radiographies sont indispensables, de face, de profil et axiale. Si la clinique est suspecte et les premières radiographies normales, des obliques sont nécessaires. Selon la gravité du traumatisme, un CT-scan doit être effectué. L'IRM permet la découverte de lésions non visibles sur les radiographies : œdème, lésions ligamentaires ou méniscales. De bonnes coupes IRM permettront de mettre en évidence des signes indirects de rupture du LCA. En cas de déchirure méniscale, les lésions visibles à l'IRM vont jusqu'à la surface du ménisque. Chez les jeunes, il existe déjà des petites hétérogénéités qui sont des dégénérescences mucoïdes et donc banales.
I En cas d'arthrose fémoro-tibiale, les radiographies sont à demander en position debout pour bien apprécier l'espace articulaire, en extension et en flexion à 30° afin de mieux déceler l'arthrose débutante.
I L'arthrose fémoro-patellaire se met en évidence avec des radiographies axiales à 30° pour analyser la partie inférieure de la rotule, à 60° pour la partie moyenne et à 90° pour la partie supérieure. Un mauvais positionnement du malade peut mimer un pincement articulaire (erreur technique).
I L'IRM avec injection de produit de contraste est la meilleure technique pour diagnostiquer une chondromalacie.
I L'échographie reste l'examen de choix lors de pathologies tendineuse, ligamentaire et périarticulaire (kystes, bursites, etc.)
I Les pathologies inflammatoires sont investiguées par l'IRM.
I L'IRM est positive dès les premiers jours en cas d'algodystrophie, avec un œdème qui régresse dans les deux mois, et un épanchement (diagnostic différentiel : fracture par insuffisance).
I Lors de nécrose aseptique, l'IRM est positive dès les premiers jours avec un œdème non spécifique puis des images caractéristiques dans les trois premiers mois.
I La ponction est le premier geste à effectuer en cas de suspicion d'arthrite septique.
L'imagerie est utile pour le bilan des complications.
I Les pathologies tumorales sont bien visibles sur les radiographies standards. Le bilan d'extension de la lésion dans l'os et les tissus mous se fait par IRM.
Place de la médecine physique
(Dr J.-L. Ziltener)

Troubles dégénératifs
Les effets des traitements physiques passifs (cryothérapie, thermothérapie, TENS, ondes courtes) sont positifs uniquement dans les stades aigus. La physiothérapie manuelle peut améliorer la mobilité mais doit toujours être associée à des exercices à domicile.
Il existe une corrélation entre le gain de force et la diminution des douleurs après un minimum de huit semaines d'exercices globaux et en série de renforcement musculaire. Une diminution de l'efficacité est néanmoins notée à long terme. Les exercices aérobiques tels que la marche et/ou le vélo, trois fois par semaine pendant trois mois, améliorent la fonction, la qualité de vie et les douleurs.

Syndrome fémoropatellaire
Lors d'atteinte de la surface cartilagineuse ou de troubles de la dynamique rotulienne (dysplasie, instabilité, etc.), le traitement consiste à rétablir la balance musculaire entre le muscle vaste interne et le vaste externe, associé à des exercices d'étirements des muscles tenseurs de fascia lata et ischiojambiers. L'efficacité d'un taping rotulien est controversée mais un effet subjectif antalgique est toutefois souvent noté. Lorsque le taping a un effet antalgique mais est mal supporté, une orthèse peut être prescrite.

Lésions récentes du LCA
Comme l'a mentionné précédemment le professeur Fritschy, le traitement chirurgical n'est pas urgent. L'immobilisation doit être courte, entre 2-6 semaines. Le traitement fonctionnel pur avec reprogrammation musculaire et exercices de proprioception a pour objectif d'éviter l'instabilité. Il doit être débuté précocement pour éviter l'atrophie musculaire et les adhérences périrotuliennes, d'abord par électrostimulation si nécessaire puis par renforcement musculaire. Il y a peu de différence entre le traitement conservateur et le traitement chirurgical sur la fonction à long terme, mais la chirurgie apporte une meilleure stabilité de l'articulation.

Bibliographie :
1 Mariani PP, Puddu G, Ferretti A. Hemarthrosis treated by aspiration and casting. How to condemn the knee. Am J Sports Med 1982 ; 10 : 343-5.
2 Reginster JY, Deroisy R, Rovati LC, et al. Long term effects of glucosamine sulphate on osteoarthritis progression. Lancet 2001 ; 357 : 251-6.

Les vertiges1


 
Résumé
Le vertige se définit comme un trouble de la perception de son environnement avec sensation de mouvement de type rotatoire (carrousel) ou linéaire (tangage, sensation ébrieuse). Son origine peut être périphérique par atteinte de l’appareil vestibulaire (saccule, utricule et canaux semi-circulaires) ou centrale par atteinte du tronc cérébral, du cervelet ou des noyaux vestibulaires. Il est à distinguer des autres syndromes vertigineux représentés par la présyncope, le déséquilibre ou l’étourdissement.
Le défi pour le praticien consiste à différencier les causes bénignes (vertiges périphériques) des causes potentiellement vitales (vertiges centraux) motivant une hospitalisation immédiate.


Epidémiologie

Avec une prévalence de 5%, les sensations vertigineuses sont un motif de consultation fréquent et on estime que 15 à 30% des adultes présentent au moins un épisode durant leur vie. Les étiologies sont variées, regroupant des troubles vestibulaires, neurologiques, cardiovasculaires, métaboliques ou psychiatriques.
Le patient peut décrire un vertige rotatoire ou linéaire suggérant fortement une origine oto-neurologique périphérique ou centrale, mais peut également se plaindre d’une sensation de perte de connaissance imminente (présyncope), d’un déséquilibre (suggérant un déficit sensoriel multiple) ou d’un sentiment de tête vide ou d’étourdissement (devant faire rechercher une étiologie neurologique ou psychiatrique).
Nous ne parlerons que de vertiges rotatoires ou linéaires suggérant une origine oto-neurologique périphérique ou centrale. Il faut différencier les causes urgentes des causes non urgentes.


Causes urgentes

Une hospitalisation s’impose lors de suspicion de vertige d’origine centrale : accident vasculaire cérébral (AVC) / ischémique transitoire (AIT) cérébelleux, du tronc cérébral ou vertébro-basilaire.
D’autres causes plus rares (affection démyélinisante inaugurale (sclérose en plaques), migraine basilaire inaugurale) peuvent également se manifester initialement par des vertiges. Ces affections ne seront pas traitées dans ce chapitre.
En cas de suspicion d’AVC, l’indication potentielle à une thrombolyse implique le respect de certains délais (de 4,5 à 12 h en cas d’occlusion du tronc basilaire).


Causes non urgentes

Il s’agit pour l’essentiel de vertiges périphériques :
  • vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) ;
  • neuronite vestibulaire ;
  • maladie de Ménière.
Plus rarement, on retrouvera une infection ORL, une fistule périlymphatique, un cholestéatome, un neurinome de l’acoustique, voire une atteinte ototoxique. Ces affections ne seront pas traitées dans ce chapitre.


Anamnèse et examen clinique dirigés


Prise d’appel téléphonique

Identifier les symptômes d’alarme pouvant suggérer une origine centrale au vertige :
  • céphalées ;
  • troubles neurologiques focaux.


Anamnèse

Au domicile, le médecin précisera les points suivants permettant de distinguer une origine centrale d’une origine périphérique (tableau 1) :
  • antécédents de vertige périphérique ;
  • âge et antécédents médicaux : migraine, SEP, épilepsie, traumatisme cranio-cérébral (TCC) ;
  • facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV) ;
  • consommation éthylique ;
  • prise médicamenteuse (médicaments psychotropes, hypotenseurs, ototoxiques : aminoglycoside, érythromycine, vancomycine, furosémide, anti-inflammatoires non stéroïdiens, vincristine) ;
  • mode d’apparition (brusque/progressif) ;
  • contexte de survenue (changement de position, au décubitus dorsal, mouvement de la tête, TCC) ;
  • mode de présentation (continu ou intermittent) ;
  • durée (secondes pour VPPB, minutes à heures pour les crises de Ménière, continu pour une neuronite) ;
  • symptômes accompagnateurs :
    • symptômes digestifs : nausées, vomissements ;
    • symptômes auditifs : acouphène, hypoacousie, sensation de plénitude dans une oreille ;
    • symptômes neurologiques (dont diplopie et parésie faciale pouvant accompagner un AVC du tronc) ;
  • fièvre.
Tableau 1
Caractéristiques cliniques du vertige permettant de distinguer une origine centrale d’une origine périphérique
Périphérique Central VPPB Neuronite Ménière Début Aigu Subaigu Aigu-subaigu Très aigu Positionnel +++ ++ + 0 Durée Bref (quelques secondes), Quelques jours, continu Quelques heures, continu Quelques heures répétés, en crises à plusieurs jours Récidive Oui Non Oui Non Nausées/vomissements + ++ / +++ +++ 0 à +++ Nystagmus Rotatoire géotrope à la Horizonto-rotatoire Horizonto-rotatoire, Vertical/variable manœuvre de Hallpike variable Parfois multidirectionnel Symptômes auditifs Non Non Acouphènes, hypoacousie Non Symptômes / signes Absents Absents Absents Présents dans > 99 % neurologiques des situations

Examen clinique

Après contrôle des signes vitaux (pouls, tension artérielle, température), l’examen clinique se focalisera sur les signes d’alarme évocateurs d’une atteinte centrale et justifiant une hospitalisation rapide :
  • altération de l’état de conscience ;
  • déficit neurologique (examen des nerfs crâniens, des voies longues et de la fonction cérébelleuse) ;
  • présence d’un nystagmus multidirectionnel ou vertical :
    • le nystagmus est un mouvement saccadé des yeux avec une phase lente et une phase de retour rapide, définissant la direction du nystagmus (il bat du côté de la phase rapide). Cela peut être physiologique dans le regard en position extrême ;
    • il est plus aisé de voir le nystagmus en supprimant la fixation visuelle soit par des lunettes de Frenzel, soit simplement en faisant fermer les yeux au patient et en observant le battement des globes à travers les paupières ;
    • un nystagmus d’origine centrale peut être multidirectionnel, en particulier vertical en cas d’atteinte pontique ou pédonculaire, non aboli par la fixation visuelle
    • lors d’atteinte périphérique, le nystagmus est presque toujours unidirectionnel, horizonto-rotatoire, bat (phase rapide) du côté sain et est diminué ou aboli par la fixation visuelle.
L’examen clinique sera complété par :
  • l’auscultation cardiaque et carotidienne ;
  • un examen otoscopique : corps étranger dans le conduit auditif externe, otite moyenne aiguë (OMA), cholestéatome ;
  • un examen postural (Mingazzini, Romberg, Unterberger, test de la marche aveugle). Peu spécifiques, ces tests peuvent être perturbés par de nombreuses affections extravestibulaires.

Causes urgentes

AVC / AIT cérébelleux, du tronc ou vertébro-basilaire.
Anamnèse : rechercher des facteurs prédisposants tels qu’un âge avancé, le sexe masculin et la présence de facteurs de risque cardiovasculaires.
Status : présence d’un nystagmus spontané central, non diminué par la fixation visuelle. Rechercher une atteinte des nerfs crâniens (diplopie, ataxie, dysarthrie, voire parésie faciale).


Causes non urgentes


VPPB

Dû au déplacement d’otolithes, le plus souvent dans un canal semi-circulaire postérieur. Pic d’incidence dans la 6edécennie et prépondérance chez la femme (2 : 1). Le plus souvent unilatéral, il est parfois bilatéral, prédominant d’un côté, exceptionnellement bilatéral et symétrique.
Anamnèse : vertige rotatoire bref, de quelques secondes à moins d’une minute, survenant typiquement aux changements de position de la tête (rotation sur le côté, particulièrement en décubitus dorsal, et au passage à la position assise). Le vertige est souvent accompagné de nausées, plus rarement de vomissements.
Status : la manœuvre de Hallpike, quand elle est positive selon les critères caractéristiques décrits dans la figure 1, est pathognomonique. Sa négativité n’exclut pas une origine périphérique. Examen otoscopique normal.
Figure 1

Manœuvre de Hallpike

(Tirée de Furman JH, et al. N Engl J Med 1999;341:1590).
Manœuvre de Hallpike : cette manœuvre diagnostique consiste à basculer le patient, tête tournée d’un côté. En cas de VPPB, après une latence de 1 à 5 secondes, le patient ressent un intense vertige rotatoire et l’on observe un nystagmus rotatoire géotrope (qui bat vers le sol). Le vertige et le nystagmus durent de 2 à 30 secondes. En relevant le patient et en l’amenant à la position assise, également après une courte latence, le patient ressent un vertige et un nystagmus est observable, rotatoire, en sens inverse du précédent. Le vertige et le nystagmus sont moins intenses, s’épuisent, si la manœuvre est répétée. L’utilisation de lunettes de Frenzel qui inhibent la fixation visuelle est recommandée, mais pas indispensable.


Neuronite vestibulaire (déficit vestibulaire périphérique brusque)

Cause la plus fréquente de vertige persistant plus de 24 heures. Une origine virale est suspectée.
Anamnèse : d’apparition subaiguë, le vertige est continu, exacerbé par les changements de position et les mouvements de rotation de la tête. Il dure quelques jours, s’accompagne de nausées / vomissements.
Status : nystagmus spontané (horizonto-rotatoire) battant du côté sain. Quand réalisables et tolérables pour le patient, la manœuvre de Hallpike est négative et les épreuves posturales mettent en évidence une déviation vers le côté opposé à l’oreille atteinte. Examen otoscopique normal.


Maladie de Ménière

Diagnostic reposant sur la survenue répétée et épisodique de vertiges et de symptômes auditifs. Un épisode inaugural, même si fortement évocateur de cette maladie, ne permet pas d’en affirmer le diagnostic.
Anamnèse : l’installation de la crise peut être rapide ou progressive. Les vertiges sont accompagnés de symptômes neuro-végétatifs très marqués et durent quelques dizaines de minutes, moins de 24 heures. Symptômes auditifs : acouphène, hypoacousie unilatérale, sensation de plénitude dans une oreille, précédant ou concomitant à la crise de vertige.
Status : nystagmus horizontal, parfois vertical ou rotatoire. Examen otoscopique normal, hypoacousie.


Examens complémentaires et matériel

Le matériel nécessaire comporte les instruments de base contenus dans la valise de soins (stéthoscope, sphygmomanomètre, thermomètre, otoscope).


Arbre décisionnel


Prise en charge à domicile


Prise en charge initiale

La prise en charge du vertige débute par le traitement des symptômes et de l’anxiété sous-jacente.
Prescrire un antiémétique :
  • métoclopramide 10 mg IV / IM ou 10 mg PO (maximum 3 × /  j) ;
  • dompéridone 10 mg PO / sublingual / rectal ;
  • thiéthylpérazine 6,5 mg IM / PO / rectal.
En présence de signes et symptômes d’alarme, de vomissements incoercibles ou de l’incapacité de se tenir debout, hospitaliser le patient en urgence :
  • contrôler les paramètres vitaux ;
  • oxygénothérapie pour une saturation en O2 ≥ 92 % ;
  • voie veineuse périphérique et scope ;
  • organiser le transfert vers un service d’urgences hospitalier et aviser son médecin de garde ;
  • contrôler les paramètres vitaux durant le transport.

Prise en charge spécifique


Causes urgentes


AVC/AIT cérébelleux, du tronc cérébral ou vertébro-basilaire

Hospitalisation en urgence.


Causes non urgentes


VPPB

En phase aiguë, le patient tolère parfois mal la mobilisation, pouvant rendre difficile une manœuvre libératrice (manœuvre d’Epley ou de Semont, figures 2 et 3).
Figure 2

Manœuvre d’Epley

Manœuvre d’Epley : pour un VPPB de l’oreille droite. A-B : coucher le patient sur le dos, la tête en position déclive de 30°, tournée vers la droite. C-D : après le déclenchement et l’épuisement d’un vertige, la tête est tournée de 90° à gauche. E : après environ 30 secondes, la tête est tournée une nouvelle fois de 90°, vers le sol, tout en amenant le patient à pivoter sur son épaule gauche. F : en maintenant la tête dans l’axe, le patient est ramené à la position assise au bord du lit.
© lucociel@gmail.com – Réf. : www.menieresrelief.com
Figure 3

Manœuvre de Semont

Manœuvre de Semont : positionner le patient assis au bord du lit, jambes pendantes, puis le coucher en décubitus latéral, sur le côté qui déclenche les vertiges, nez en l’air. Après cessation du nystagmus, bascule rapide de l’autre côté, nez en bas. Maintenir la position environ 5 minutes.
© lucociel@gmail.com – Réf. : www.menieresrelief.com
Alternativement ou en cas d’échec d’une manœuvre libératrice, on peut recommander les exercices de Brandt et Daroff que le patient pourra effectuer seul, les jours suivant la consultation urgente à domicile (figure 4).
Figure 4

Exercices de Brandt et Daroff

© lucociel@gmail.com


Neuronite vestibulaire

Administration de prednisone (1 mg / kg / j pendant 5 j). Une physiothérapie vestibulaire précoce est recommandée.


Maladie de Ménière

  • Episode inaugural : bilan ORL en ambulatoire.
  • Récidivant : bétahistine PO 24 mg 2 × / j.


Autres situations

Lors de forte suspicion clinique d’atteinte périphérique mais en présence de manœuvres diagnostiques non conclusives, le patient doit être référé chez un ORL en ambulatoire.
Exercices de Brandt et Daroff : assis sur le bord du lit, le patient débute l’exercice par un mouvement du côté de l’oreille atteinte, en se couchant sur le lit, la tête tournée vers le plafond. Ce mouvement induira probablement un vertige. Cette position est maintenue pendant 30 secondes. Puis, on revient à la position initiale, tête orientée devant soi. Là encore, le patient peut ressentir un vertige. Après 30 secondes dans cette position, le patient se couche de l’autre côté, également la tête orientée autant que possible vers le plafond. Puis, après 30 secondes, retour à la position assise. Ces exercices peuvent être effectués à trois reprises, deux fois par jour, jusqu’à ce qu’ils ne déclenchent plus de vertige pendant deux jours. Si les vertiges persistent au-delà d’une dizaine de jours, il est conseillé de consulter son médecin traitant ou un ORL.


Messages essentiels

  • La majorité des vertiges sont d’origine bénigne périphérique.
  • La présence de signe(s) et symptôme(s) d’alarme impose une hospitalisation immédiate :
    • céphalées ;
    • déficit neurologique ;
    • nystagmus multidirectionnel ou vertical ;
    • altération de l’état de conscience.
  • D’autres circonstances justifient une hospitalisation :
    • nausées / vomissements +++ ;
    • impossibilité de se tenir debout ;
    • âge avancé et FRCV si vertige périphérique non avéré.
  • VPPB :
    • manœuvre diagnostique : manœuvre de Hallpike. Sa négativité n’exclut pas une origine périphérique ;
    • manœuvres libératrices : manœuvres d’Epley ou de Semont ;
    • les exercices de Brandt et Daroff peuvent être enseignés au patient.
  • Lors de forte suspicion clinique d’atteinte périphérique mais en présence de manœuvres diagnostiques non conclusives, le patient doit être référé chez un ORL.

    Bibliographie

  1.  • Neuhauser HK. Epidemiology of vertigo. Curr Opin Neurol 2007;20:40-6. [Medline]
  2.  • Pigott DC, Rosko CH. The dizzy patient : An evidence-based diagnosis and treatment strategy. Norcross (USA) : Emergency Medecine Practice, 2001;1-20.
  3.  • Drachman D. In : Feldmann E, ed. Current diagnosis in neurology. St Louis, Mo : Mosby-Year Book Inc, 1994; 264-70.
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