Introduction

L'arthroplastie est le traitement de choix de l'arthrose sévère et invalidante de la hanche. Dans la majorité des cas, la perspective de recevoir une prothèse totale de la hanche (PTH) suscite un sentiment de soulagement et d'espoir auprès des patients. Classiquement, les patients souffrant d'arthrose sévère de la hanche sont informés des bénéfices et des risques associés à la PTH lors d'une consultation avec un chirurgien orthopédiste. Ces explications jouent un rôle important dans le processus de prise de décision et de consentement éclairé du patient.1 Malheureusement, une différence importante entre le discours du chirurgien et la compréhension du patient demeure et beaucoup d'informations sont perdues. Ce constat remet en question la pertinence de la décision du patient et la validité réelle du consentement éclairé.2,3
Plusieurs facteurs compliquent la transmission des informations entre un chirurgien et son patient : l'éducation, les différences linguistiques et culturelles, l'âge du malade, son émotivité, les circonstances dans lesquelles les informations sont transmises ainsi que les compétences du chirurgien en matière de communication.3,4
Durant la consultation, le patient reçoit les informations d'une manière très dense. En effet, après avoir posé l'indication opératoire, le chirurgien décrit la prothèse, le déroulement de l'opération, les complications possibles ainsi que la convalescence. Il s'agit pratiquement d'un cours «ex-cathedra» centré sur la pathologie et son traitement. Cet entretien, de type «biomédical»,5 est encore le plus utilisé à l'heure actuelle. Malheureusement, le patient a peu d'occasions pour s'exprimer et cette absence d'interaction ainsi que la somme élevée des informations et l'utilisation fréquente d'explications logiques ou descriptives ne facilitent pas la transmission des informations.6,7
Le contexte émotionnel du patient est souvent chargé durant la consultation. La perspective de se faire opérer, la peur de souffrir ou de mourir, et l'idée de devoir rester à l'hôpital peuvent engendrer du stress ou de l'anxiété.8-11 Cette situation rend les patients moins réceptifs à de nouvelles informations. Toutefois, ce stress préopératoire n'est que rarement abordé durant la consultation puisqu'on estime qu'à peine 1-2% du temps de la discussion est consacré à des thèmes de nature psychosociale.12
La transmission des informations peut être améliorée par une approche centrée sur le patient.13,14 Le soignant se met à la place du malade et essaye de comprendre ce que le patient attend de lui. L'entretien devient ainsi plus interactif, accorde plus de place aux questions, à la clarification et à la confrontation d'idées. Depuis quelques années, cette approche centrée sur le patient a été reconnue également en chirurgie orthopédique.15-18 Dans ce contexte, les services d'orthopédie et de rééducation de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève (HUG) ont mis en place une séance optionnelle d'éducation thérapeutique préopératoire afin d'améliorer l'information des patients candidats à l'implantation d'une PTH.

Séances d'information préopératoires

Dès que l'indication opératoire est posée, chaque patient est informé par écrit de l'existence de ce programme d'éducation thérapeutique. Celui-ci consiste en une séance préopératoire interactive en petit groupe, avec six à huit patients et une équipe de soignants composée d'un chirurgien orthopédiste, d'un physiothérapeute, d'un ergothérapeute et d'une infirmière intervenant à tour de rôle durant trois heures. Les patients qui s'inscrivent participent une seule fois à ce séminaire, généralement quelques semaines après la consultation avec le chirurgien orthopédiste.
Profitant de la dynamique de groupe, les patients sont encouragés à s'exprimer. Les représentations de l'intervention et ses conséquences ainsi que les préoccupations des patients servent de point de départ à la discussion, complétée au besoin par des thèmes apportés par les soignants. Par ailleurs, les patients ont l'occasion de se familiariser avec des exercices de physiothérapie à pratiquer avant l'opération et discutent des modifications éventuelles qu'ils pourraient apporter à leur domicile en prévision de la convalescence. Ces séances hebdomadaires sont en place depuis 2003 et ont toujours cours actuellement.

Evaluation des séances d'information

Suite à la mise en route de ce programme, le service d'orthopédie a mené une étude prospective afin d'évaluer les bénéfices de ce séminaire. Tous les participants ont reçu deux questionnaires d'évaluation développés dans le service d'orthopédie des HUG : un premier questionnaire deux semaines après le séminaire, et un deuxième questionnaire deux mois après l'opération. L'étude a été menée durant quinze mois et, durant cette période, 180 patients ont participé à la séance, soit 56% de tous les patients en attente d'une PTH. 171 questionnaires préopératoires et 126 questionnaires postopératoires ont été restitués par les participants.
L'âge moyen des patients était de 68 ans, et ne différait pas entre les patients ayant participé à la séance et les non-participants. En revanche, le score de Harris19 ­ déterminant le degré de douleur, fonction et mobilité des patients ­ ainsi que la partie mentale du SF12 20 étaient plus élevés chez les participants, suggérant que leur état de santé était meilleur que celui des patients qui n'avaient pas participé.
La durée de séjour était plus brève parmi les participants (11 j versus 12,5 j, Δ = 1,5 j, P = 0,007). Après ajustement pour l'âge, le sexe, le score de Harris et le SF12, il persistait une différence de durée de séjour de - 0,9 j en faveur des participants (P = 0,096).

L'appréciation des participants était positive

Tous les patients recommanderaient cette séance d'information à d'autres personnes. L'impression générale était très bonne (figure 1). Près de 50% des patients gardaient une impression excellente de cette séance, et aucun d'entre eux n'a rapporté d'événement défavorable. L'évaluation restait similaire deux mois après l'opération.

La majorité des patients a pu se rassurer

Trois patients sur quatre se sentaient sensiblement rassurés après la séance. Trente deux pour cent et 42% des malades se sont dit respectivement très rassurés et plutôt rassurés, 8% des patients ont dit n'avoir été ni rassurés ni inquiétés, 7% plutôt inquiétés et 1% fortement inquiété. La figure 2 illustre quelques représentations associées couramment à la PTH.

Les patients ont pu aborder leurs questions personnelles

La majorité des patients a jugé que les thèmes discutés étaient utiles pour eux. Avant l'opération, 54% des patients estimaient que le séminaire apportait une réponse à toutes leurs questions, 40% à la plupart des questions, et 4% à quelques questions seulement. Toutefois, après l'opération, un patient sur trois (31%) a estimé que des sujets importants, concernant surtout la période postopératoire, n'avaient pas été abordés suffisamment au cours de la séance en groupe. Le tableau 1 donne un exemple de questions posées fréquemment par les participants.

Discussion

L'information délivrée lors de la consultation préopératoire devrait permettre au patient de comprendre les bénéfices et les risques d'une intervention, et est à la base du consentement éclairé. Malheureusement, il existe une différence importante entre le discours du chirurgien lors de la consultation et ce que comprend ou mémorise le patient. Afin d'améliorer l'information des patients en attente d'une PTH, les services d'orthopédie et de rééducation des HUG proposent une séance optionnelle d'information préopératoire.
Depuis son introduction, ce séminaire suscite un intérêt constant auprès des patients. Plus de la moitié des personnes en attente de PTH y participe, la majorité des participants est très satisfaite, et tous recommanderaient cette séance à d'autres personnes. Les discussions interactives permettent aux malades de se rassurer et de trouver une réponse à l'ensemble de leurs questions. Ces données sont d'autant plus importantes que pratiquement tous les participants se présentent avec des questions ou des préoccupations encore en suspens. Après avoir vécu l'intervention chirurgicale, la plupart des patients rapportent que les thèmes abordés durant cette séance étaient utiles pour eux. Dans l'ensemble, ces résultats sont en accord avec plusieurs études décrivant les effets favorables de l'éducation thérapeutique préopératoire sur l'anxiété et les connaissances des patients.16-18,21-23 Enfin, nous avons observé une tendance à la diminution de la durée de séjour de pratiquement un jour parmi les participants. Cette tendance a été également rapportée dans la littérature.24
Après l'opération, un patient sur trois a estimé que la période postopératoire n'avait pas été abordée suffisamment durant les séances d'information. Paradoxalement, cette période, qui représente la fin du traitement aigu pour le chirurgien, préoccupe beaucoup les patients. Cette constatation illustre à quel point les sources de stress sont différentes pour le médecin et son patient, et combien il est important que le chirurgien se mette à la place de son patient s'il veut l'informer et l'aider le mieux possible.